Interview Paru le 12 septembre 2025
Manuel Sirven-Villaros, directeur de Nova 14

La Ligne 14 Nancy-Contrexéville bien relancée

La relance de la ligne ferroviaire Nancy-Mirecourt-Vittel-Contrexéville entre dans une phase clé. La Région Grand Est, Nova 14 l’exploitant, lancent la phase de recrutement préalable aux formations et aux emplois à pourvoir sur le territoire. Dans une interview aux Affiches d’Alsace et de Lorraine, Manuel Sirven-Villaros, directeur de Nova 14, nous détaille ce programme.

Manuel Sirven-Villaros, directeur général de Nova 14, la société de projet qui exploite la Ligne 14 entre Nancy et Contrexéville.

- Les Affiches d’Alsace et de Lorraine : Pouvez-vous nous présenter Nova 14 ?

- Manuel Sirven-Villaros : « Nova 14 est une société de projet créée spécifiquement et uniquement pour mener à bien le contrat de concession qui nous a été confié par la Région Grand Est, sur ce projet de concession ferroviaire de la ligne Nancy-Contrexéville. La Région avait lancé un appel d’offres en concession auquel on a répondu en groupement, selon les modalités de la construction de cette ligne : à la fois une partie conception-construction pour la réhabilitation de la ligne, une partie exploitation-maintenance, sur la circulation des trains et la maintenance de l’infrastructure et du matériel roulant. On s’est associé à NGE et Transdev pour monter ce groupement dans lequel on a aussi embarqué la Caisse des dépôts et consignations via la Banque des territoires qui est par ailleurs actionnaire de Transdev. C’est un partenaire intéressant car il y avait une partie financement à réaliser, et la Banque des territoires est un acteur financier très ancré dans les territoires. Lorsque nous avons remporté cet appel d’offres et le contrat de concession, nous avons créé une société, Nova 14 dont la répartition de l’actionnariat est : 50% pour NGE Constructions, 30% Caisse des dépôts, 20% Transdev. Nova 14 est titulaire de ce contrat de concession. »

« Le concessionnaire Nova 14 va exploiter la ligne jusqu’en 2046 »

- Sa mission est de gérer la réhabilitation de cette ligne ?

- M.S-V. : « Tout à fait. Le contrat est d’une durée de 22 ans, depuis juillet 2024 et jusqu’à fin 2046. On distingue deux grandes périodes : la première phase qui court depuis juillet 2024 jusqu’à fin 2027, concerne la conception-construction de la réhabilitation de la ligne. On la réhabilite en termes de travaux, on la remet aux normes et on mène toutes les procédures administratives nécessaires pour obte­nir toutes les autorisations indispensables à la réouverture de cette ligne. Les entités SNCF n’étant plus là, c’est à nous de refaire toutes ces démarches. Nova 14 est désormais maître d’ouvrage et porte l’ensemble de ces procédures administratives et environnementales. Pour la partie travaux, Nova 14 confie à un groupement composé des filiales de NGE, toute la partie travaux. À partir de fin 2027, on entre dans la partie exploitation. Au cours de cette période qui va durer 18 ans, de 2027 à fin 2046, Nova 14 est gestionnaire de l’infrastructure. Elle réalise les opérations de l’attribution des sillons, de définition des tarifs avec la Région Grand Est. Des tâches qui étaient historiquement réalisées par SNCF Réseau. Sur cette ligne, puisque la Région a fait le choix de déléguer complètement, c’est Nova 14 qui détient ce rôle. »

« Avec la marque Fluo Grand Est »

- Vous allez définir le cadencement des trains ?

- M.S-V. : « Exactement. De la même manière qu’on confie à NGE la production du chantier, en phase d’exploitation, on a une filiale de Transdev à laquelle Nova 14 va confier la circulation des trains et la maintenance. »

- C’est quel type de train, des TER ?

- M.S-V. : « TER, c’est un terme SNCF, on évite de l’employer. Ce sera sous la marque Fluo Grand Est, car c’est la Région Grand Est qui est l’acteur principal, qui va fixer les tarifs. Nous nous intégrons dans la politique de mobilité de la Région. Ces trains circulent déjà sous la typologie TER. Ces trains sont propriétés de la Région et mis à notre disposition dans le cadre du contrat. Il s’agit de 8 rames. En cours de concession, entre 2035 et 2040, la Région doit renouveler l’ensemble du parc de matériel roulant. »

- La ligne 14 avait été arrêtée depuis quand ?

- M.S-V. : « Depuis 2016 sur une partie seulement. La ligne va de Nancy à Contrexéville, et entre Pont-Saint-Vincent et Vittel, la circulation est arrêtée depuis 2016. L’infrastructure a été construite à la fin du XIXe siècle. Elle est vétuste, malgré quelques renouvellements en cours de route. Inutilisée pendant presque 10 ans, il faut tout refaire : le rail, le ballast, les traverses. Les ouvrages d’art sont également en très mauvais état. Sur la partie où il n’y a plus eu de circulation, on renouvelle complètement toutes les composantes de la voie. »

« Un investissement de 150 millions d’euros »

- Et pour ce qui est du financement ?

- M.S-V. : « Dans le cadre du contrat de concession, c’est Nova 14 qui apporte le financement pour la partie investissement. On a 150 millions d’euros de travaux à financer. C’est à partir de la mise en service, que la Région Grand Est va nous verser une redevance sur toute la durée d’exploitation, afin de rembourser cet investissement. C’est un montant conséquent. Il s’agit de 75 kilomètres de ligne mais aussi d’un centre de maintenance et de remisage qui est construit à neuf à Mirecourt. »

- Et les gares ?

- M.S-V. : « Elles sont en dehors du périmètre. Elles sont modernisées par les municipalités avec le concours de la Région Grand Est, notam­ment pour les pôles d’échanges multimodaux. »

« Les gens sont en attente du retour du train »

- Est-ce qu’une étude de marché confirme une demande sur cette ligne ?

- M.S-V. : « Absolument. Elle a été lancée au départ par la Région. Elle a été confortée par notre société de projet, au moment de la phase d’appel d’offres. Il suffit d’interroger les gens sur place pour le constater, les gens attendent le retour du train, depuis que cette ligne a fermé. En particulier sur la partie Vosges : à Mirecourt, Vittel, Contrexéville, les gens sont vraiment en attente du retour des trains. »

- Vous lancez maintenant la phase emploi avec le recrutement ?

- M.S-V. : « En fait, le chantier va mobiliser environ 300 personnes, au pic des travaux. Sur ces 300 personnes, il y aura une partie du personnel NGE existant qui sera mobilisé sur ce chantier. Ensuite, une partie qui sera recrutée, sur des postes qualifiés. Il y aura également des postes ouverts localement, nous avons du reste déjà enregistré des CV. Nous avons enfin, une partie en insertion professionnelle pour laquelle aucune qualification n’est nécessaire. C’est sur cette partie qu’a porté le point presse de Vittel, le 28 août dernier. On a ouvert 24 postes avec une répartition de 12 sur les Vosges et autant sur la Meurthe-et-Moselle. Le principe, aucune qualification nécessaire, seulement de la motivation et l’envie de travailler, en connaissant les contraintes de ce type de chantier. »

« Il y aura des embauches »

- Vous le faites avec France Travail ?

- M.S-V. : « Oui. Cette démarche va nous permettre d’identifier des profils, qui nous sont proposés par France Travail. Une première sélection est faite, les personnes sélectionnées entrent dans un dis­positif de formation de 6 semaines à l’AFPA : formation généraliste sur le métier d’ouvrier sur un chantier, financée par l’État. À l’issue de cette formation, une nouvelle sélection est faite. On leur propose pendant un an un titre professionnel, en alternance : une formation complémentaire et la professionnalisation sur le chantier. Au-delà de cette année, il peut y avoir l’embauche de CDI chez NGE. De fait NGE est en pleine croissance et embauche chaque année plus de 4000 collaborateurs. L’an dernier il y a même eu 5000 recrutements. Des postes sont régulièrement ouverts sur ces métiers. »

- Et pour l’exploitation ?

- M.S-V. : « Sur cette partie exploitation 65 personnes sont mobilisées, avec une partie qui va être recrutée. Il y a 23 conducteurs de train, dont des recrutements externes effectués par Transdev avant fin 2026. Ils vont être formés afin d’être opérationnels fin 2027. Une dizaine de postes sur la partie conducteur de train vont être ouverts. »

- Le chantier démarre quand ?

- M.S-V. : « Il démarre avant la fin de l’année. Impossible de donner une date précise. On est tributaire de l’obtention des autorisations, sachant qu’il faut aussi prendre en compte l’état de la faune et de la flore sur ce chantier. On a dû faire des demandes de dérogations à la DREAL. Il y a aussi le volet passages à niveau, qui sont sur la ligne. On en ferme un certain nombre sur la ligne. Ils étaient assez peu empruntés sauf par les engins agricoles. On leur organise des chemins alternatifs pour rejoindre leurs parcelles. On est tributaire de ces autorisations. On devrait donner le premier coup de pioche entre novembre et dé­cembre cette année. On est entré dans une phase d’enquête publique, depuis le 15 septembre jusqu’à fin octobre. »

La rencontre avec les différents acteurs du projet à la mairie de Vittel. Thierry Bodard, président de Nova 14, était présent ce 28 août.

Retombées économiques

Vers 30 allers-retours quotidiens

La Région Grand Est précise dans un communiqué : « À l’horizon 2027-2028, ce sont 30 allers-retours quotidiens qui permettront de relier 12 gares sur 75 kilomètres de voie régénérée, avec un temps de trajet de 1h10 entre Nancy et Contrexéville. Près de 500 000 voyageurs sont attendus chaque année sur cette ligne repensée autour de la performance, de la sécurité et de la décarbonation des mobilités. »

Mirecourt accueillera dès 2027 un centre de maintenance et de remisage moderne construit par NGE, 4e acteur du BTP en France, essentiel pour assurer la fiabilité des trains. Doté de 1500 m2 de remisage, 300 m2 de panneaux photovoltaïques et d’un poste de commande centralisé, il accueillera les bureaux des 65 salariés de la phase exploitation et illustrera l’engagement du projet en faveur d’une mobilité durable et locale.

La Région Grand Est se félicite des retombées économiques que va générer cette réhabilitation. « Elles seront importantes pour les ter­ritoires traversés avec quelque 300 personnes mobilisées pendant les travaux. »

Une formation à Golbey et à Laxou

Pour ce qui est des recrutements, les besoins précis seront présentés au public au cours d’informations collectives et de salons de l’emploi. Il s’agit en particulier des 24 emplois d’insertion pour des postes d’ouvriers polyvalents de travaux publics. La formation financée par France Travail, sera assurée par l’AFPA sur les sites de Golbey dans les Vosges et de Laxou en Meurthe-et-Moselle en lien avec l’école du groupe NGE.

Ce dispositif de recrutement inédit est mené en étroite collaboration avec les acteurs du réseau pour l’emploi : France Travail, Missions locales, Cap Emploi, Maisons de l’emploi et les services de la Région Grand Est.

Pour NGE, ce dispositif s’inscrit parfaitement dans les missions menées par les équipes de recrutement du Groupe avec notamment une cellule dédiée à l’insertion professionnelle. NGE possède son propre centre de formation, également Centre de formation d’Apprentis (CFA), habilité à délivrer des titres professionnels délivrés par l’État.

Les profils recrutés

Avec plus de 300 tuteurs, NGE accompagne ses nouveaux collabo­rateurs dès leur arrivée, en leur transmettant à la fois compétences techniques et les valeurs du Groupe. Cet engagement a été salué par le trophée « La Clause sous de multiples options » pour le chantier d’élargissement de l’autoroute A57, où NGE a doublé ses objectifs d’insertion et signé près de 180 contrats.

Au fil de l’avancement du chantier, plusieurs profils expérimentés se­ront recrutés, notamment aide-coffreur, aide-maçon VRD, aide-poseur canalisateur ou conducteur d’engins. Ces postes seront prioritairement proposés à des candidats résidant sur le territoire.

Voici quelques dates de réunions d’informations « recrutement » :

- Dans les Vosges, outre les dates d’août déjà passées et de début sep­tembre, il sera possible d’accéder à ces recrutements le 19 septembre au Forum de l’emploi de Mirecourt et d’Épinal.

- En Meurthe-et-Moselle au Stade vers l’emploi à Nancy le 2 octobre, à l’information collective du 7 octobre (9h) à Neuves-Maisons ; à l’information collective du 9 octobre (14h) à Nancy.

Les métiers de l’exploitation

L’exploitation de la ligne débute en décembre 2027. Cinq grands métiers seront au cœur du recrutement effectué par Transdev : conducteur de trains, agent de supervision (circulations, opérations et informa­tion voyageur), agent de maintenance du matériel roulant, agent de maintenance de l’infrastructure et agent de la relation client.

La formation sera dispensée par Transdev. La durée va de 1 mois et demi à 10 mois pour les fonctions les plus techniques comme la conduite. Le recrutement sera organisé par France Travail et les Maisons de l’emploi. Ce dispositif démarrera au second semestre 2026, pour les premières embauches prévues début 2027 et sera présenté lors des Forums de l’emploi 2026.

Transdev mettra en place un dispositif de recrutement spécifique pour favoriser l’accès des femmes aux métiers du ferroviaire en particulier celui de conducteur.

Dès mi-2026, des postes à responsabilités seront également ouverts à des profils expérimentés. L’ensemble des emplois sera basé à Mirecourt.

Économie circulaire

Enfin la Région Grand Est rappelle que ce chantier s’inscrit dans une démarche d’économie circulaire avec 18 000 tonnes de matériaux recyclés. Les rails, traverses et ballast trouvent une seconde vie grâce à des partenaires industriels locaux, illustrant la valorisation des savoir-faire lorrains.

Voir aussi www.grandest.fr

Bernard KRATZ