Les collectivités territoriales déplorent régulièrement une dégradation de leur situation financière, en raison notamment des baisses des dotations de l’État. Comment la Banque des Territoires pallie-t-elle cette situation ?
Mélanie Villiers : Dans la situation présente de dégradation des finances publiques, la Banque des Territoires offre aux collectivités territoriales une opportunité de maîtrise de leurs dépenses. Je m’explique : nos prêts sont indexés sur le taux du livret A, soit actuellement à 1,7%, ce qui nous permet de prêter, par exemple, à 2,2% pour la rénovation thermique des écoles ou le financement des réseaux d’eau et d’assainissement. Par ailleurs nous prêtons sur le temps long : à 60 ans par exemple pour les travaux de rénovation des réseaux d’eau et d’assainissement, ce qui permet aux élus de réduire les échéances et de dégager des marges de manoeuvre pour financer d’autres projets.
Financements en prise avec le réel
N’importe quelle collectivité peut-elle solliciter la Banque des Territoires ?
M. V. : Oui, absolument. Nous finançons toutes les collectivités. Notre seul enjeu, c’est que la collectivité ait un projet, qu’elle ait un plan de financement à nous soumettre et que son projet rentre dans les priorités de la Banque des Territoires : cohésion sociale et territoriale, transition écologique, souverainetés. Les élus nous sollicitent d’autant plus facilement que nos taux sont très bas. Beaucoup voient également un intérêt à amortir leurs investissements sur le temps long.
Dans les Vosges, par exemple, cela permet à des maires de petites communes de ne pas mettre tous leurs moyens sur la rénovation des réseaux d’eau, et de financer des investissements plus visibles.
Du coup les collectivités territoriales ne courent-elles pas le risque d’un endettement accru ?
M. V. : Nous accompagnons des collectivités qui présentent des plans d’investissement crédibles et soutenables et nous sommes attentifs à la capacité de désendettement des collectivités. Le risque est donc mesuré. Par ailleurs, nos projets contribuent à la croissance du pays, à la lutte contre le changement climatique et au maintien de services publics sur les territoires. Les investissements que nous finançons sont toujours en prise avec le réel : je n’ai pas de doute sur leur utilité économique et sociale.
Vous venez de signer un accord de partenariat avec Habitats de Haute-Alsace. De quoi s’agit-il ?
M. V. : Effectivement nous avons signé une convention pluriannuelle avec Habitats de Haute-Alsace par laquelle la Banque des Territoires mobilise 97M € de prêts : cela couvre les deux tiers du plan de financement du bailleur pour les deux prochaines années. Il s’agit notamment de la construction de logements et de la réhabilitation thermique du parc social : quand je rencontre les habitants de ces logements, je peux vous dire qu’ils sont très heureux de ces opérations de réhabilitation.
Réouverture de la ligne Nancy-Contrexéville
Vous êtes partenaire de NOVA 14, la ligne ferroviaire entre Nancy et Contrexéville. Quelle part prenez-vous ?
M. V. : La Région Grand Est a décidé de rouvrir la ligne ferroviaire entre Nancy et Contrexéville : elle fait ainsi le pari de l’augmentation de l’offre pour relancer la demande. Nous participons au capital de l’entreprise exploitante, aux côtés de Transdev et NGE, pour financer les travaux de restauration, mais aussi la future exploitation. L’entrée en service de la ligne est prévue en 2027.
Pourrait-on vous retrouver dans d’autres projets de lignes ferroviaires dans le Grand Est ?
M. V. : Nous sommes candidats pour l’ouverture à la concurrence de la ligne Bruche-Piémont-Vosges, entre Strasbourg et Épinal, toujours aux côtés de Transdev et NGE.
En septembre, la Banque des Territoires a lancé le programme Territoires d’Histoire(s). À quoi cela sert-il ?
M. V. : Oui tout à fait. Cela a eu lieu à Charleville-Mézières. Nous voulons accompagner la transformation de patrimoines exceptionnels à forte valeur économique. À Charleville-Mézières, il s’agit du financement de la restauration de deux bâtiments de la place Ducale, dans lesquels s’installera un hôtel-restaurant. Concrètement, la Banque des Territoires participe financièrement à la SEM, qui porte l’opération, ainsi qu’à la foncière régionale, qui deviendra propriétaire de l’actif et le louera à l’exploitant. Nous sommes d’ores et déjà saisis par d’autres collectivités du Grand Est pour accompagner des projets équivalents.
En chiffres
En 2024, la Banque des Territoires a financé 120 projets de collectivités territoriales (contre 62 en 2023).
Elle a signé pour un montant d’1,35 milliard de prêts.
Elle a investi au capital de 17 projets pour un montant total de 78M €.
Cousu Main
La Banque des Territoires est une direction de la Caisse des Dépôts et Consignations. Elle a été créée en 2018. « Objectif, explique Mélanie Villiers : permettre aux élus locaux d’identifier un acteur unique sur les territoires qui leur permette de financer leurs projets. » La Banque des Territoires prête de l’argent, elle investit aussi dans des projets, par exemple dans des sociétés d’économie mixte ou des foncières en prenant une participation au capital. « Nous allons là où les autres banques ne vont pas, précise la directrice régionale Grand Est. Nous nous engageons sur les projets du temps long. Les élus nous demandent du cousu main. »
La Banque des Territoires intervient sur trois grands axes d’intervention :
- La cohésion sociale et territoriale, et notamment le logement. En Grand Est, en 2024, la Banque des Territoires a engagé 1 milliard d’euros sur 1,35 milliard d’euros de financements globaux. Il s’agit de logement très social ou intermédiaire. À Metz, elle a financé la transformation des anciens bureaux de l’URSSAF en logements étudiants. La Banque finance également des travaux dans les écoles, les collèges ou les lycées, dans les établissements sportifs et culturels, les maisons de santé…
- La transition écologique. Il s’agit de la mobilité verte – installation de bornes électriques, transport ferroviaire, pistes cyclables… –, des énergies renouvelables – réseaux de chaleur à Strasbourg ou à Mulhouse… – de la valorisation des déchets….
- La souveraineté. La Banque des Territoires a investi dans le réseau de fibre numérique, elle finance l’installation de data centers, elle accompagne les collectivités dans leurs projets de mobilisation de l’IA. Elle finance la reconversion des friches industrielles, ou la partie immobilière des projets industriels.