Interview Paru le 18 novembre 2025
Benoît Rigot, Directeur Régional Alsace de BPIfrance

« BPIfrance est la banque des TPE, des PME et des ETI »

Garanties, prêts à court, moyen et long terme, participations au capital, conseils… la Banque Publique d’Investissement intervient dans tous les métiers de la banque auprès de toutes les entreprises. Tour d’horizon avec Benoît Rigot, nommé directeur régional Alsace de BPIfrance début septembre.

Qu’est-ce que BPIfrance ?

Benoît Rigot : Nous sommes une banque au service de tous les entrepreneurs. Nous sommes détenus à 50% par l’État et à 50% par la Caisse des Dépôts. Notre activité est orientée sur cinq grands axes stratégiques. Premier chantier : la réindustrialisation de la France. Il s’agit d’augmenter d’1 point la part de l’industrie dans le PIB :actuellement elle représente 12% du PIB, l’objectif est donc de revenir à 13% d’ici 2030. Pour cela il faut investir,chaqueannée,100 milliards d’euros de plus que ce que les industriels réalisent déjà. La marche est donc très haute. Deuxième chantier : le plan climat. Nous voulons accompagner les start-up orientées vers les technologies vertes, booster le développement des énergies renouvelables et pousser la décarbonation des entreprises. Troisième chantier : la transmission des entreprises. C’est un vrai sujet : un entrepreneur sur deux partira en retraite d’ici dix ans, alors que nous comptons de moins en moins de repreneurs. Quatrième chantier : la création d’entreprises, notamment en finançant des réseaux d’accompagnement de créateurs d’entreprise dans les territoires. Cinquième chantier : le tourisme, qui représente 8% du PIB de la France.

« Psycho banque »

On a l’impression que BPIfrance finance surtout les grandes entreprises. Qu’en est-il ?

B. R. : Ah, pas du tout. Chaque année, rien qu’à Strasbourg, nous accompagnons 3 000 projets pour des entreprises de toutes les tailles, dans nos différents métiers. Je veux parler des métiers de la garantie, du financement à court moyen et long terme, de la participation au capital, de l’accompagnement à la prise des risques ou à l’exportation ou du conseil. Nous accompagnons les dirigeants dans leurs réflexions, particulièrement dans cette période de grande incertitude : c’est que nous appelons la « psycho banque ». 80% de nos dossiers et 70%de nos encours sont réalisés sur les TPE PME. Nous intervenons de la TPE, PME jusqu’aux ETI.

N’importe quelle entreprise peut donc venir vous voir ?

B. R. : Oui, les entreprises viennent nous voir parce que nous présentons un continuum qu’aucun autre établissement bancaire ne peut revendiquer. Les fonds publics que nous confient l’Europe, l’État ou les Régions, par exemple la Région Grand Est, nous permettent de prendre des risques que d’autres ne pourront pas prendre.

Comment décrire votre activité en Alsace ?

B. R. : Par rapport à son poids économique, l’Alsace est surreprésentée en matière d’innovation, notamment dans le domaine de la santé, mais aussi du côté de l’agroalimentaire. La Région Grand Est est très impliquée à nos côtés sur ce volet innovation. Nous connaissons d’ail­leurs de beaux succès du côté des start-up industrielles. Sur le dossier climat, nous sommes également très actifs grâce à la communauté du Coq Vert, créée par BPIfrance : nous y accompagnons toutes les entreprises intéressées par les grandes questions du changement cli­matique. Notre argument principal auprès de l’économie alsacienne, c’est notre force de vente : sur les quarante collaborateurs de BPI France, à Strasbourg, nous sommes trente commerciaux, et nous faisons du porte à porte auprès des dirigeants d’entreprises, afin de leur expliquer ce que nous pouvons faire pour eux.

Alerte sur la conjoncture allemande

Réindustrialiser, cela veut aussi dire sauver des entreprises en difficulté. Quelle est l’action de BPIfrance dans ce domaine ?

B. R. : Quand nous sommes déjà aux côtés de l’entreprise, nous ne sommes pas le banquier qui va la faire fermer. Mais quand nous n’y sommes pas, nous n’irons pas injecter des fonds publics à perte. En revanche, si une voie de sortie est envisageable, nous pourrons accom­pagner les banques afin qu’elles restent au tour de table, notamment grâce à notre dispositif de garantie.

Où en est-on du remboursement des PGE en Alsace alors que BPIfrance a été en première ligne sur le dispositif ?

B. R. : BPIfrance était l’opérateur des PGE, qui a permis d’injecter 130 milliards d’euros, au niveau national pour 800 000 dossiers. Nous garantissions les prêts accordés par les banques. Globalement le remboursement se passe plutôt très bien, y compris en Alsace : nous sommes largement en-dessous des 10% de sinistralité que nous avions initialement prévue.

Le BIG, qui est la grand-messe annuelle de BPIfrance, a eu lieu, le 22 septembre dernier à Paris. Le thème était celui de la « vérité ». Vous trouvez que la vérité est menacée ?

B. R. : L’inflation est très bien maîtrisée, la croissance est positive, les faillites d’entreprises n’ont pas explosé, le chômage est contenu, les projets d’investissement se portent bien et les banques continuent d’accompagner les entreprises : sur les fondamentaux économiques, la France se porte plutôt bien. Mais ce dont les dirigeants ont le plus besoin, c’est de stabilité. On sent quand même une grande inquié­tude de leur part sur ce sujet. En Alsace, nous sommes par ailleurs très attentifs à la troisième année de récession qui se profile en Allemagne. Bon nombre des entreprises régionales sont détenues par des capitaux allemands : nous pouvons donc redouter un impact plus fort qu’ailleurs en France, même si cela ne se manifeste pas encore dans la réalité économique.

Jean de MISCAULT