Interview Paru le 21 novembre 2025
Romina Marcovici, présidente de BioValley France :

« Poursuivre la marche des healthtech vers l’industrialisation »

Romina Marcovici, par ailleurs directrice du site industriel de Merck, à Molsheim, est la nouvelle présidente de BioValley France depuis juin dernier. Elle répond à nos questions sur la réindustrialisation pharmaceutique, l’IA, la coopération internationale et l’épineuse question des financements.

Vous avez été élue à la présidence de BioValley France, en juin dernier. Comment se porte le pôle de compétitivité, alors qu’il fête ses 20 ans d’existence ?

Romina Marcovici : BioValley France se porte très bien. Nous comptons environ 200 membres que nous suivons de différentes manières. Les expertises très diversifiées de la vingtaine de nos collaborateurs nous permettent d’accompagner nos membres de la naissance de leur projet jusqu’à ses développements les plus ambitieux. Nous nous félicitons par ailleurs d’une très forte interaction avec les services de l’État et les collectivités territoriales, notamment avec La Région Grand Est, qui est toujours à nos côtés pour booster l’innovation au plus haut niveau dans les secteurs de la pharmacie et des biotechs.

Écosystème de santé

L’Alsace est souvent présentée pour l’excellence de son écosystème dans l’économie de la santé. Au-delà des propos flatteurs, comment cela se concrétise-t-il ?

R. M. : D’abord, au sein de BioValley France, nous avons la chance de compter parmi nous des experts du plus haut niveau. Grâce à quoi, nous sommes capables de conseiller nos membres, de la toute jeune start-up au géant industriel, sur l’ensemble de leurs problématiques. Ce n’est pas juste de la R&D ou du financement. Notre très forte proximité avec les secteurs académiques et de santé, puisque tant les universités que les hôpitaux de l’ensemble de la région Grand Est siègent dans notre conseil d’administration, nous donne accès aux experts les plus pointus tant dans les domaines de la recherche que de la pratique. Même si l’Alsace représente à elle seule près de 70 % de l’économie en santé de la région, j’insiste pour rappeler que nous sommes présents dans tout le Grand Est et que ce fameux écosystème est bien celui du Grand Est dans son ensemble.

La réindustrialisation et notamment la question de la souveraineté en matière de pharmacie est à l’ordre du jour depuis la COVID. Vous êtes également directrice du site industriel de Merck, à Molsheim. Qu’en est-il très concrètement ?

R. M. : Si je prends ma casquette de dirigeante d’un grand site indus­triel, nous avons investi 155M € sur notre site de Molsheim, après la COVID, pour lancer des activités de fabrication de dispositifs à usage unique. Cela a notamment pu se faire grâce à l’engagement politique fort du gouvernement français.

Merck est un groupe allemand. Qu’est-ce qui a poussé le groupe à choisir un site français pour un investissement aussi lourd ?

R. M. : Oui le groupe aurait très bien pu choisir un autre site que Molsheim pour cet investissement. Ce qui a pesé le plus dans la balance, c’est la richesse en compétences humaines. Qu’il s’agisse des universités, mais aussi des centres de formation régionaux, nous sommes tout à fait en mesure de recruter les salariés dont nous avons besoin. Et cela va du BTS au doctorat en passant par les nombreux masters. Nous sommes là au cœur de l’écosystème de santé dont nous parlions précédemment. Bien sûr, tout cela date de bien avant la COVID. Mais le discours français depuis deux ans sert clairement d’amplificateur de nos atouts.

Prendre le virage de l’IA

Votre prédécesseur à la tête de BioValley France, Stephan Jenn, avait fait de la création de champions industriels un des objectifs de son mandat. Où en est-on, six ans plus tard ? Les start-up du Grand Est sont-elles devenues des poids lourds industriels ?

R. M. : J’ai en tête trois exemples de start-up qui ont connu de réels succès. Je ne sais pas si elles sont des champions industriels, mais elles ont connu un développement considérable qui les a incontestablement fait passer à la phase industrielle. Fizimed, après une levée de fonds très importante, a réussi une accélération de son développement in­ternational dans le domaine de la santé féminine. RDS vient de lever 14M € pour industrialiser un patch connecté pour le suivi des patients à distance. Dianosic, qui prend en charge les pathologies respiratoires et pathologiques, a connu aussi, ces dernières années, un très fort développement. Je suis admirative de la qualité des recherches et des produits proposés par toutes les entreprises que nous accompagnons. Et je me félicite que BioValley France participe à ces transitions réussies de la start-up à la phase industrielle.

Au début de votre premier mandat, quel est l’objectif auquel vous êtes la plus attachée ?

R. M. : Bien sûr, j’entends poursuivre cette marche vers l’industriali­sation. Mais cela passe par une santé financière pérenne de BioValley France. Nos financements reposent pour une large part sur les fonds publics. Ceux-ci sont aujourd’hui plus que fragilisés, nous devons donc réfléchir à d’autres sources de financement. Je voudrais aussi que BioValley France puisse accélérer le virage de l’IA et devenir pionnier dans le domaine de l’intégration de l’IA dans les dispositifs médicaux et dans l’hôpital du futur par exemple. Et enfin, je souhaite que nous puissions travailler encore davantage avec nos homologues français et nos voisins du Bade-Wurtemberg et de Bâle.

Faits et chiffres

BioValley France compte 201 adhérents (33 de plus en 2024) : 68 % sont en Alsace, 10,5 % en Lorraine et 9 % en Champagne-Ardenne.

Parmi les entreprises adhérentes, 56 % sont des TPE, 36 % des PME, 5 % des ETI et 3 % appartiennent à des grands groupes internationaux.

En 2024, les adhérents de BioValley France ont levé 211M € de fonds.

En 2024, BioValley France a détecté 78 nouveaux projets et reçu et étudié 30 projets pour l’appel à projets Hôpital du Futur #2.

Jean de MISCAULT